Le Faubourg Montmartre
Il ne faut pas confondre le faubourg Montmartre avec l'ancienne commune de Montmartre,
bien que les deux quartiers soient géographiquement très proches. Le premier fait aujourd'hui
partie du IXe arrondissement et la seconde du XVIIIe, depuis la création des vingt nouveaux
arrondissements en 1860.

Le faubourg fut pendant longtemps consacré largement aux cultures, comme celles effectuées
par les chanoines de Sainte-Opportune qui y possédaient au XIIIe siècle une ferme, qui
donnera son nom à la rue de la Grange-Batelière. L'origine de ce vocable, qui n'a aucun rapport
avec la batellerie, est incertaine: il pourrait provenir d'un pré utilisé pour des joutes
(batailles), ou signifier ferme crénelée ("bataillée").

Jacques et Jean Cadet, maîtres-jardiniers sous Charles IX, sont quand à eux à l'origine de
l'Enclos Cadet, dont les terrains seront encore propriété de la même famille au XVIIIe siècle:
mais à cette époque, elle avait abandonné la traditionnelle culture potagère et
Charles-Edmond Cadet de Chambine était devenu Premier Commis des Finances...

Le boulevard Montmartre naît en 1676, au nord du rempart bastionné de Louis XIII, devenu un
édifice inutile. Il est l'un des "grands boulevards", créés suivant le tracé des anciennes
enceintes militaires. Cette nouvelle voie à la mode va permettre une meilleure
communication entre le faubourg Montmartre et d'autres quartiers et draine au XVllle siècle
une intense activité.

C'est précisément au siècle des Lumières que l'urbanisation du secteur commence réellement.



La mairie du 9e arrondissement

La mairie du lXe arrondissement est logée dans un des bâtiments les plus anciens du secteur,
l'hôtel d'Augny, 6 rue Drouot, construit de 1748 à 1752 par Charles-Etienne Briseux. La Ville
de Paris l'a acheté en 1849. Il possède de très beaux salons au rez-de-chaussée, utilisés
notamment pour des expositions temporaires, un grand escalier classé, et au premier étage,
une salle de mariage avec un décor Empire.

Le Faubourg connut d'autres personnalités, telles que Louis-Napoléon Bonaparte (le futur
empereur Napoléon III), qui naquit le 20 avril 1808 au 17, rue Laffitte; sa mère, la reine de
Hollande, y tenait un célèbre salon. Le peintre Claude Monet vit le jour dans la même rue, au
n' 19, le 14 novembre 1840.



Le Théâtre des Variétés

Le spectacle acquit une place de choix dans ce quartier qui fut l'un des plus animés de Paris.
En 1807 Mlle Montansier, qui venait d'être chassée du Palais-Royal pour cause de "voisinage
déshonorant", fait construire boulevard Montmartre (actuel n° 7) le Théâtre des Variétés, par
l'architecte Cellerier. Ce théâtre a conservé sa façade d'origine.

Empereurs et rois fréquentèrent les Variétés. Et pour l'acteur Brunet qui joua sur cette scène
sous quatre régimes jusqu'en 1833, le spectacle était dans la salle. Il put ainsi mesurer
derrière les changements de monarques, le sens de l'humour de chaque maître du moment :
"Napoléon riait un peu, Louis XVIII riait d'un gros rire, Charles X souriait et Louis-Philippe
riait aux éclats", nota l'acteur cité par Jacques Hillairet, auteur disparu d'une magistrale
histoire des rues de Paris.

Les Théâtre des Variétés accueillit dans les années 1860 plusieurs créations d'Offenbach, "La
Belle Hélène", "La Grande Duchesse de Gérolstein", ou "La Périchole", dans lesquelles triompha
Hortense Schneider.



les passages des Panoramas, Jouffroy et Verdeau

Le Théâtre des Variétés fut doté d'un accès supplémentaire en 1833, avec une "entrée des
artistes" donnant sur la galerie des Variétés, ajoutée au passage des Panoramas (entre le 8 rue
Saint-Marc et le 11 boulevard Montmartre), un des plus anciens de la capitale, puisque
construit en 1800 à l'emplacement d'une des cours de l'hôtel du maréchal de Montmorency. Il
doit son nom aux deux rotondes qui étaient situées de part et d'autre de son entrée et à
l'intérieur desquelles on pouvait admirer des tableaux panoramiques de grande dimension. Ces
curiosités s'étant cependant émoussées, les rotondes furent détruites en 1831; mais le
passage continua à être fréquenté grâce à ses nombreuses boutiques et restaurants.

L'entrée d'un autre passage couvert se trouve de l'autre côté du boulevard Montmartre (n° 12),
en face du précédent. c'est le passage Jouffroy, qui porte le nom d'un des actionnaires de la
société qui en est à l'origine. A noter d'ailleurs sur le plan juridique que presque tous les
passages couverts sont des voies privées. Il fut construit en 1845 par les architectes
Destailleur et Romain de Bourges, qui utilisèrent largement le fer, ce qui était alors assez
novateur. L'extrémité de la galerie principale est décorée par une horloge et des grappes de
raisins qui symbolisent à raison la prospérité du commerce, puisqu'on y trouve des boutiques
variées: jouets, produits orientaux, librairies, etc.

Entre la rue de la Grange-Batelière et la rue du Faubourg Montmartre se trouve le passage
Verdeau, prolongement du passage Jouffroy, et créé lors de la même opération immobilière; il
porte d'ailleurs le nom d'un autre associé de la même société... L'architecte était toutefois
différent: on choisit Jacques Deschamps, qui oeuvra dans un style assez proche de celui du
passage voisin.



L'hôtel Drouot, la salle des ventes

Au confluent de la tradition commerciale et de l'art se situe l'hôtel Drouot, installé en 1851 à
l'emplacement de la ferme de la Grange-Batelière, 9 rue Drouot. Cette voie tient son nom du
général Antoine, comte Drouot (1774- 1847), surnommé "le sage de la Grande Armée" et qui
exerça les fonctions de gouverneur de l'île d'Elbe pendant le séjour de l'Empereur en ce lieu.
La Compagnie des Commissaires-priseurs de Paris prit donc le nom de la rue où elle est située
en même temps que celui de ce général...

Emile de Labédoilière raconte dans son livre "Le nouveau Paris", paru en 1860: "Une affluence
considérable se presse dans les salles de l'hôtel des ventes, lorsque est annoncée la dispersion
de quelques belles galeries. Il est curieux de voir avec quelle animation les amateurs se
disputent les tableaux de choix. On entend souvent dire que les affaires vont mal et que
l'argent est introuvable, et pourtant il y a des ventes de tableaux qui, en quelques vacations,
font changer de mains plusieurs millions.

Heureux les privilégiés qui peuvent se donner la satisfaction et la gloriole de payer un
Wouvermans 50 000 fr., et un Mindershout Hobbima 85 000!

Le vendredi 8 mars 1860, l'Empereur est venu en personne visiter, à l'Hôtel des Ventes, la
collection de curiosités formée par M. Norzy, et il a acheté deux terres cuites de Clodion
moyennant 12 600 fr."

L'hôtel Drouot a accueilli des ventes célèbres comme celles des ateliers d'Hubert Robert, de
David ou de Delacroix; d'autres enchères ont concerné des artistes à l'époque méconnus et
notamment les impressionnistes Monnet, Renoir ou Sisley (ventes de 1875 et 1876) ou encore
Gauguin (ventes de 1894 et 1895).

L'ancien bâtiment étant devenu vétuste, une nouvelle construction a pris aujourd'hui sa
place. Réalisée à partir de 1975 et inaugurée en 1980, elle est l'oeuvre de l'architecte
Jean-Jacques Fernier. Elle incorpore quelques éléments anciens en fonte. Sa surface totale est
de 10 000 m2 comprenant seize salles d'exposition et de vente sur 3 niveaux, un hall
d'accueil, ainsi que des locaux de stockage et des bureaux. De nombreux antiquaires, des
galeries d'art et des marchands de timbres sont installés à proximité de ce lieu
internationalement connu.



Le Musée Grévin

Le quartier a aussi ses musées: c'est en 1882 que le musée Grévin fut créé par le journaliste
Arthur Meyer et le caricaturiste Alfred Grévin afin de présenter des personnages de cire dans
des scènes de l'histoire ou de l'actualité. Le bâtiment fut réalisé par l'architecte
Esnault-Pelterie, et donne à la fois boulevard Montmartre et passage Jouffroy (10 boulevard
Montmartre). Le Théâtre Grévin, situé au sein du musée, date de 1900. Son rideau,
représentant des personnages de la Commedia dell'Arte a été dessiné par Jules Chéret, et est
surmonté d'un haut-relief d'Antoine Bourdelle "Les Nuées". Des représentations en soirée sont
à nouveau données depuis 1984.



Le musée de la Franc-Maçonnerie

Le musée de la Franc-Maçonnerie est lui aussi unique en son genre. Il est installé 16 rue
Cadet, dans l'ancien pied-à-terre du prince de Monaco, acheté par le Grand Orient en 1852 pour
y installer son siège. La façade moderne a été réalisée de 1969 à 1972, et le musée, qui
présente l'histoire de cette association maçonnique, la plus ancienne de France, a été ouvert
en 1973

Le faubourg Montmartre a donc plus d'un centre d'intérêt, et ce dans une vaste palette
d'activités créatrices. Certains de ses lieux sont célèbres, d'autres un peu moins, mais en les
parcourant avec un peu de curiosité, on est sûr d'y trouver de nombreux endroits dont
l'authenticité retiendra l'attention de l'amateur... ou du promeneur.